Guide de la femme seule au café
Choisir le café: plutôt fréquenté, mais pas trop bondé pour trouver une table isolée. Sur une rue fréquentée pour avoir un spectacle à regarder. Ou prévoir de la lecture. Évitez le journal si vous ne maîtrisez pas la taille des pages et leur manipulation. Un livre de poche est un format idéal, pour peu que ce ne soit pas aussi volumineux que l’Assassin Royal.
Le plus compliqué est donner le change: donner l’impression qu’on est complètement à l’aise de venir s’asseoir seule à une terrasse, d’où le motif d’occupation, très important à anticiper. Un carnet et un stylo, c’est parfait, ça fait créatrice, genre qui a besoin de chercher l’inspiration ou le bon cadre pour créer.
Pour les plus enhardies, commander un truc exotique, en demandant la carte. Sinon, se rabattre sur une consommation passe-partout: un café ou un Perrier. La bière est à réserver pour la fin d’après-midi. Idem pour un verre de vin: pas en dehors des heures propices à l’apéritif.
Occupation à proscrire: une conversation au téléphone. Vous allez vous attirer des regards noirs, on va écouter votre conversation et les commentaires, même muets, vont aller bon train. Pire encore: la conversation en mode mains libres. Vous ne contrôlez pas le volume sonore de votre voix et risquez d’agacer tout le monde.
A l’inverse, évitez toute marque ostensible de vous intéresser aux conversations alentour. Évitez de regarder vos voisins, paraissez absorbée par votre occupation, même si c’est celle d’observer les passants. Exercice délicat, l’enjeu étant de ne pas laisser transparaître la moindre réaction. Car il est bien entendu qu’il est impossible de ne pas écouter ce qu’il se dit juste à côté. Surtout que votre voisine vient de recevoir un coup de fil très intéressant. Il semblerait que son date ait du retard. Des regards par en-dessous vous indiquent qu’elle est nerveuse et se fait belle. Elle essaie plusieurs postures, plusieurs coiffures: cheveux négligemment attachés, ou alors détachés et ramenés sur le côté, non finalement attachés. Elle a raison, ça allonge sa nuque.
Avec un peu de chance, un serveur viendra vous faire la causette, de manière plus ou moins lourdingue. Affichez une attitude fermée, répondez par le strict minimum « oui, non, merci, oui c’est sûr » et donnez l’impression que vous n’avez qu’une hâte, celle de reprendre l’activité qu’il est venu interrompre.
Et enfin vous le repérez. Il est comme vous l’avez imaginé. Il s’avance depuis la sortie du métro après avoir repéré le café. Il patiente sur le terre-plein de la place, attendant que le signal du piéton passe au vert. Il sourit, il a identifié la terrasse. Il se donne une contenance, passe la main dans ses cheveux, prend un air dégagé et sourit. Enfin il peut traverser et retrouver votre voisine qu’il retrouve avec émotion.