Iwak 2021 #11 – Acide/aigre
Elle venait de clôturer son texte, une dernière virgule accrochée pour laisser le lecteur respirer. Exercice douloureux, nécessaire et à présent enfin terminé. Alors d’où lui venait cette sensation aigre dans la bouche ? Pourquoi cette insatisfaction ?
Parce que finalement l’exercice était quelque peu imposé, laissant peu de place à l’expression de son style et de sa fantaisie. Elle aurait pourtant tant voulu y laisser sa patte. Elle aurait aimé que ce texte révèle toutes ces années de vie commune, la couleur des moments partagés, bons et mauvais, que les mots, les tournures, les expressions puissent rendre compte de la complicité qui s’était installée avec le temps. Elle avait pu se développer, sa personnalité s’était affirmée, Sur la base de cette relation de confiance qui s’était établie. Il était cependant déplacé d’être trop familière, pas question de livrer trop de souvenirs personnels. L’heure était à la distance et au solennel. Après tout, elle écrivait pour me un terme à tout cela.
Elle ne se relut pas. Elle glissa la feuille sans la plier dans une enveloppe kraft qui sentait le vomi. Demain elle remettrait la lettre actant sa démission au DRH, sans trembler ni pleurer. C’était une page qui se tournait. Elle en avait écrit le dernier paragraphe.