John La terreur était fou de joie. Il avait enfin rejoint un petit bout d’île. Il la connaissait bien cette île, il savait se situer. Ainsi, il eut l’impression de reprendre possession de ses moyens. John La Terreur était de retour ! Enfin, presque. Il lui manquait son bateau, son équipage… et il devait ne plus semer la terreur pour piller les bateaux. Tu parles d’un pirate !

Fatigué de sa nage et de toutes ses émotions – il ne savait plus depuis combien de temps il n’avait pas dormi – il retira ses vêtements mouillés et s’allongea sur le sable. Il se laissa bercer par le vacarme des oiseaux. Mais celui-ci cessa brusquement et cela le perturba dans son endormissement. Qu’est-ce qui les avait fait tous taire ou partir? C’était un comportement étrange. Il se redressa et regarda alentour. Sur la petite île, les rochers l’empêchaient de voir ce qu’il se passait de l’autre côté. Il attendit un peu, à l’affut du moindre bruit. Rien. Quoique. En tendant bien l’oreille… mais voyons, oui, c’était une voix féminine et une autre masculine que le vent poussait jusqu’à lui. Voyons, d’où venait le vent ? De l’autre côté de ce rocher. Il remit ses vêtements pour se donner une allure présentable, empoigna son épée au cas où et se mit en chemin pour contourner le rocher. Malheureusement, il était désavantagé: il s’aperçut qu’il était observé et l’homme le regardait depuis un promontoire. Il avait perdu l’avantage de l’effet de surprise et il était en position de faiblesse.

« John La Terreur, vous êtes sûr ? Mais qui est-ce ?  » Princesse Manon n’était pas du tout rassurée. Le pêcheur était comme tétanisé, debout sur le rocher.

« John La Terreur est un pirate très redouté. Il pille tous les bateaux qui croisent son chemin, même un petit bateau comme le mien ! Parfois il fait prisonnier l’équipage, parfois il leur laisse la vie sauve, sur un bout de radeau, parfois aussi, il tue tout le monde.

– Mais c’est affreux ! Il faut que nous partions avant qu’il nous trouve !

– C’est trop tard, il nous a déjà vus. Et il s’approche.

– Et bien je vais aller lui dire, moi, qu’il n’y a rien à piller à part quelques fruits et qu’il ferait mieux de nous laisser tranquilles.

– Vous n’allez rien lui dire du tout, vous êtes folle ! Il va vous massacrer !

– Mais non, je suis Princesse Manon, enfin! « 

Et sur ces mots, elle se leva, droite et fière, et se dirigea droit devant elle. Elle aperçut le pirate qui s’avançait vers eux et eut envie de rigoler. Il ne ressemblait à rien, avec sa veste dégoulinante, son chapeau tout avachi !

Elle décidé de le héler:

 » Alors c’est vous John la Terreur ? »

Le pirate releva la tête brusquement et ne put effacer son sentiment de surprise. Il s’arrêta de marcher et observa qui lui parlait.

 » Oui, c’est bien moi. A qui ai-je l’honneur ?

– Princesse Manon, fille du roi Tête de Mule et de la reine Peur de Rien.

– Ah, oui ?! Quelle lignée ! répondit le pirate moqueur. Peur de rien dites-vous? Même d’un pirate comme moi ?

– C’est quoi un pirate comme vous ? Vous êtes tout seul, avec vos vêtements trempés, vous puez la vase et votre épée… et bien vous semblez trop faible pour vous en servir ! »

Le pêcheur qui était resté en retrait intervint, la voix tremblotante:

« Non, mais ne l’écoutez pas, le soleil lui a tapé sur la tête ! Je suis sûr que vous savez très bien manier votre épée.

– Qui c’est celui-là ? Le pirate avait un sourcil levé et interrogeait la princesse.

– Et bien …

– Je suis François le Pêcheur. Fils de Norbert que vous avez tué en ruinant son bateau de pêche. Il a tout perdu ce jour-là et il n’a jamais pu retrouver un chalutier suffisamment grand pour nous faire vivre.

– Mais c’est terrible ! La Princesse sentait le chagrin et la colère chez le jeune homme qui s’était rapproché d’elle. Ils se tenaient maintenant tous les deux, désarmés, face à John La Terreur et son épée étincelante.