Yoga, mon avis (et le monde entier l’attendait)
Dès que j’ai su qu’Emmanuel Carrère avait publié ou nouvel opus, je n’ai eu qu’une idée en tête: finir ma lecture en cours (et pas des moindres, Hyperion – 8 volumes) pour pouvoir me délecter de ce nouvel ouvrage, quel qu’en soit le thème.
J’ai découvert Emmanuel Carrère avec D’autres vies que la mienne. Que j’ai pu pleurer sur certains passages ! Je crois que cela ne m’était pas arrivé depuis les Allumettes suédoises de Robert Sabatier quand j’avais 12 ans, quand il découvre sa mère morte à côté de lui au petit matin.
J’ai lu plusieurs autres livres, mais pas l’intégralité de son œuvre. J’aime bien le style qu’il a développé dans D’autres vies… Je n’ai pas lu ses romans (La Moustache, La classe de neige, par exemple). Ce que j’apprécie, c’est qu’il parle de lui (ce qui convient bien à sa personnalité égocentrique) pour raconter autre chose. C’est comme s’il nous faisait la conversation. Un roman russe est basé sur cette structure, mais c’est un peu trop tourné sur lui-même.
Yoga ne fait pas exception à ce parti pris. A travers son histoire, il nous parle de yoga, de méditation et de Taï-shi, puisque c’était le but qu’il s’était donné pour ce livre: écrire quelque chose de léger sur ces disciplines qu’il pratique depuis de nombreuses années. Finalement, d’autres thèmes moins légers sont alors abordés: les attentats de Charlie Hebdo, avec un témoignage sur une des victimes dont il était proche, la dépression, et les réfugiés. Et puis il consacre également une partie à rendre hommage à son éditeur disparu.
Là encore, il raconte d’autres vies que la sienne, ou en plus de la sienne, et j’ai été captivée.
Cependant, par rapport à l’intention première qu’il avait en écrivant ce roman, et malgré toutes les définitions qu’il a pu donner de la méditation, tous les bienfaits qu’il a vantés, je ne comprends toujours pas ce que cela apporte. Et surtout, je me demande ce qu’il y a de mal à laisser ses pensées vagabonder ou suivre un chemin qu’on leur fait prendre. Qu’y a-t-il de mal à penser, réfléchir, imaginer, concevoir, anticiper ? Pourquoi devrait-on y renoncer et mettre son cerveau sur pause et se concentrer sur sa respiration ? Qu’est-ce que cela apporte ? Je comprends et j’adhère volontiers au principe de la méditation de pleine conscience et à prendre le temps d’observer ce qui déroule dans l’instant présent. J’essaie de le mettre en application le plus possible, surtout le temps passé avec mes enfants.
J’ai aimé lire Yoga. J’y ai appris des choses, j’ai été émue par certains passages. Il y a un passage en particulier que j’ai apprécié. Il n’ajoute rien à une histoire, puisqu’il n’y a pas d’histoire à proprement parler. C’est la description d’un moment précis pendant lequel il décrit le plaisir que lui procure La Polonaise Héroïque de Chopin. J’admire ce talent à transmettre par les mots, à travers le récit d’une scène anodine de la vie, une émotion, donner l’impression de partager ce moment. J’admire aussi Philippe Delerme pour cela. Modestement, j’aimerais parvenir au même résultat.
2 commentaires
Ca donne envie de découvrir cet auteur. Merci Enireves.
De ce que j’en sais, la méditation est un sujet très particulier. Déjà il y a plusieurs types de méditation qui n’ont rien à voir entre elles. Donc ça semble compliqué de se faire une idée à travers la vision de ce qu’en disent les autres . Et ensuite ça semble être une activité très personnelle. Le point commun semble être la connaissance de soi. Et je crois que la plupart des « experts » diront qu’il faut essayer.
Je ne connais Carrère que pour le film de Nicole Garcia, « L’adversaire », avec Daniel Auteuil. Je m’en souviens assez bien (je n’avais pas aimé : mais je ne parle pas du récit, bien sûr, mais du traitement cinématographique).
Quant à la méditation, j’aurais envie de m’y mettre, mais il faut une certaine discipline pour lui consacrer quelques minutes tous les jours. Comme dit Lolo, il y a plusieurs types de médiatation : celui qui m’intéresse n’est pas incompatible avec ce que tu dis à propos de « laisser ses pensées vagabonder » etc. : la méditation comme exercice, une demi-heure par jour, mettons, et après tu diriges ta pensée dans la direction qui bon te semble… Je ne sais pas.
Et sinon, ta critique réussit très bien ce jeu de miroirs, ou de poupées russes : je crois que tu arrives très bien à transmettre les plaisir que t’a procuré « Yoga » en parlant d’une scène apparemment anodine du récit de Carrère. T’es toujours « la reine de la chute » même quand tu écris une critique ! 🙂