Writober 28 – Flotter
Quelle douce et étrange sensation que de se laisser voguer sur le dos. Les oreilles dans l’eau, les sons externes assourdis, laissant la place aux sons de soi : le souffle, les battements du cœur, le clapotis provoqués par les mouvements de ses mains.
Quelle douce parenthèse après cette journée passée dans le brouhaha, sans cesse sollicité, pas une seconde de cerveau disponible pour prendre du recul, penser à soi.
Il avait enchaîné les longueurs pour vider le corps de ses tensions, vider la tête de ses tergiversations. Ne se concentrer que sur l’amplitude des mouvements, leur intensité, adopter le bon rythme. Pendant ce temps, il focalisait ses pensées sur les mots commençant par une certaine lettre, lettre changeant à chaque longueur. C’était mieux que les chiffres pour s’y retrouver, et ça évitait aux idées de divaguer.
La sortie du bassin lui rappela la lourdeur de son corps, des efforts que ses muscles devaient fournir pour lutter contre l’apesanteur. Il endossa de nouveau ses vêtements, ses chaussures et sortit, le dos voûté, devançant le poids du trajet quotidien en métro, des escaliers à gravir, des conversations horripilantes des co-voyageurs, quand ils n’avaient pas leurs yeux baissés sur leurs écrans de téléphone.
Effort ultime: l’ascension des cinq étages avant de franchir la porte de l’appartement. Il s’allégea de ses épaisseurs, de son sac que ses muscles engourdis ne voulaient plus porter.
« Papa ! »
Une petite furie déboula du fond du couloir. En quelques secondes, il s’accroupit pour l’attraper et faire tournoyer dans les airs sa bulle de bonheur.
Ce texte s’inscrit dans une série qui s’alimentera au cours du mois d’octobre, en lien avec un détournement de Inktober. Le détournement est une idée de Kozlika : au lieu d’un dessin par jour, ce sera un texte inspiré par le mot du jour
2 commentaires
Tes textes, et particulièrement les chutes, sont toujours un bonheur à lire. Merci.
Je plussoie !