Writober 29 – Chaussures
Il grimaça de douleur et réussit à lacer ses chaussures, malgré l’élancement dans la cuisse. Il tenait trop à sortir, à retrouver le chemin de l’entraînement, même s’il ne pouvait pas encore courir.
Le coach avait voulu lui rendre visite pendant sa convalescence, il avait même fait le coup de débarquer à l’improviste. Son père lui avait poliment mais fermement fait comprendre qu’il n’était pas le bienvenu. Sa place était dans le stade, pas dans le foyer des sportifs. Il fallait aussi arrêter d’insister, cela pourrait être mal interprété au niveau de la fédération. Il avait assisté à la scène derrière le rideau de sa fenêtre à l’étage. Il aurait tellement voulu que le coach mette un gros coup de tête à son père et entre de force. Il l’avait regardé rejoindre sa voiture et s’était brusquement écarté de la fenêtre alors qu’il regardait dans sa direction.
Il fut accueilli chaleureusement par ses co-équipiers. Il ne s’y était pas attendu, il se sentit désarçonné. Il n’aimait pas ça, et se mit en colère. Son binôme Edouard ne se démonta pas et l’invita à venir s’entraîner. Il lui proposa un concours d’abdos. Il était sûr de gagner sur ce gringalet d’Eddie, il avait passé sa convalescence à se muscler le haut du corps.
Bientôt les jeunes hommes entourèrent les compétiteurs et leur hurlaient leurs encouragements. Edouard lui donnait du fil à retordre! Mais il finit par gagner. Cette fois, il se laissa volontiers gagner par la liesse ambiante. Le coach avait suivi la progression des événements de loin et rejoignit son équipe.
« Vous avez fini vos concours de machos? On peut aller courir maintenant, passer aux choses sérieuses? Vous avez un match à préparer. »
Il fut pris à part par le coach qui lui indiqua les mouvements qu’il pouvait faire. Ensuite il l’invita à le rejoindre sur le banc de touche et à le seconder pour l’entraînement des autres joueurs.
À la fin de la journée, le coach rassembla l’équipe dans le vestiaire pour revoir les différentes tactiques. Il profita d’avoir capté leur attention pour insuffler quelques messages.
« Faites-vous confiance. À vous-même et à vos co-équipiers. Tout passage de ballon ne peut être réussi que si vous avez l’intime conviction que l’autre le rattrapera et saura quoi en faire. Le foot est un sport d’équipe. Si vous voulez la jouer perso, faites autre chose, de la boxe ou de du saut à la perche. Sur le tartan, n’ayez pas peur de confier le ballon aux autres, ne cherchez pas à le garder pour vous. »
Sur ces mots de conclusion, les joueurs se levèrent et quittèrent le vestiaire sans se presser, en chahutant encore un peu, histoire de malmener la gravité et le sérieux du sermon du coach.
Il fut le dernier à quitter le vestiaire. Tous ses gestes étaient plus lents, à force de préserver sa cuisse. Il avait aussi envie de traîner: il avait vu la voiture de son père se garer près du stade. Le coach l’accompagna pour sortir des vestiaires et regagner la rue. Ils échangèrent quelques réflexions sur la façon dont l’entraînement s’était déroulé pour lui et pour les autres, quelques prévisions sur le match qui s’annonçait.
» Je ne sais pas si je pourrai assister au match.
– Pourquoi? Il faut que tu sois là pour supporter l’équipe.
– Oui, je sais, mais mon père pense que c’est trop tôt, il ne veut pas que je fasse le déplacement en car et tout ça.
– Dis à ton père qu’il est important que tu sois là. Il faut que tu participes au trajet en car, que tu séjournes avec nous dans l’auberge de jeunesse, comme n’importe quel membre de l’équipe.
– Oui, je sais, … mais il ne veut pas.
– Tu veux que j’aille lui parler?
– Non, surtout pas! Enfin je veux dire, non, il croira que je vous ai demandé et …
– Et?
– Non, non, c’est une mauvaise idée. Je vais essayer encore une fois. Je pense que j’arriverai à lui faire changer d’avis.
Il eut un haut le cœur à la perspective de ce qui l’attendait pour convaincre son père.
Le coach le regarda avec insistance alors que son père s’approchait d’eux.
« Il n’y a pas que le ballon qu’il faut savoir confier dans une équipe. N’hésite pas, je suis là et je sais faire bon usage d’une action décisive. »
Ce texte s’inscrit dans une série qui s’alimentera au cours du mois d’octobre, en lien avec un détournement de Inktober. Le détournement est une idée de Kozlika : au lieu d’un dessin par jour, ce sera un texte inspiré par le mot du jour
2 commentaires
Oh, tu es trop forte ! Et on sent bien qu’il faut qu’il y ait une suite (et fin ?), et comme il reste encore deux journées du mois d’octobre…
C’est chouette d’avoir la suite. Merci !
Ca mériterait même une section à part dans le blog pour regrouper les textes non ?