Un petit tour par La Dama del Manzanares
Les contractions étaient arrivées en fin d’après-midi. On lui avait dit de ne pas se précipiter à la maternité, qu’elle avait le temps. Elle en profiter pour arranger un peu la maison, vérifier une ultime fois le contenu de sa valise pour la maternité.
Puis elle prévint son mari:
» Le bébé arrive.
– Tu es sûre ?
– Oui, je sais que ces contractions-là sont celles de l’accouchement. » Elle était incroyablement sereine et gérait bien les contractions encore tout à fait supportables.
» Avant d’aller à la maternité, je voudrais que tu m’emmènes dans le parc un peu plus loin, le parc Manzanares.
– Euh, t’es sûre ? Ce n’est pas le moment de faire un pique-nique là ! On a un bébé qui arrive tu dois être prise en charge à l’hopital !
– Mais, non, le travail a à peine commencé, ils vont me conseiller de marcher pour favoriser le processus. Une fois que je serai enregistrée à l’hôpital, je ne pourrai plus en sortir, et déambuler dans les couloirs, non merci. «
Il accepta, un peu à contre-coeur, mail il n’allait pas contrarier une femme enceinte maintenant!
Elle lui indiqua où se garer. Les contractions étaient toujours supportables. Elle se dirigea d’un bon pas dans le parc, elle savait où aller. Enfin, elle vit la sculpture se dresser devant elle. Qu’elle aimait cette silhouette. Cet auréole aérien la fascinait. Elle s’approcha du socle de la sculpture et s’assit un moment pour récupérer de l’ascension des marches. Voilà qui était bon pour le travail. Elle essaya d’oublier les gesticulations de son mari qui l’intimait à être raisonnable et qui lui demandait toutes les trente secondes si elle allait bien. Elle lui fit signe de se taire et de s’asseoir ou d’aller gesticuler plus loin.
Elle ferma les yeux et pensa à la femme sculptée derrière elle. Elle était tranquille sur son mirador pour surveiller la ville. Elle n’avait pas subi tous ces examens médicaux, parfois humiliants. Pas de prises de sang tous les mois pour surveiller telle et telle constante, sans compter ce moment gênant ou chacune attend avec son gobelet rempli d’urine avant de passer à la pesée avec l’infirmière qui ne se prive pas de son petit commentaire bien senti « Et bien, il faut arrêter de penser que vous mangez pour deux ma p’tite dame ».
Et que l’attendait-il par la suite ? Allait-elle être à la hauteur ? Quelle personnalité allait présenter ce petit être qui allait venir au monde dans quelques heures ? Comment vivait-il ces contractions d’ailleurs, parce qu’elle commençait à fatiguer de ces douleurs lancinantes. Ce début de travail se passait plutôt bien. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à tous ces récits catastrophiques que ses amies, collègues lui avaient narré. Elle ressenti un courant d’air chaud dans la nuque qui vint lui soulever les cheveux. Cela lui fit abandonner ses idées pessimistes. Elle rouvrit les yeux, chercha son mari du regard et lui indiqua qu’elle était prête à gagner la maternité. En bas des marches, elle se retourna une dernière fois vers la sculpture. Les éclairages nocturnes venaient d’être activés, détachant la couronne d’enchevêtrements métalliques dans le bleu de la nuit. Elle sentit de nouveau ce souffle qui lui faisait voleter sa propre chevelure. Tout allait bien se passer.
Le travail se poursuivit encore pendant quelques heures, s’intensifiant mais elle était bien entourée, tout progressait normalement. L’accouchement en lui-même dura moins d’une heure. Lorsqu’elle découvrit enfin le visage et le corps de ce garçon (c’était un garçon !), elle fut émerveillée à un point qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Elle rit d’entendre son mari s’extasier:
» Il est magnifique ! C’est ton portrait tout craché ! Regarde la forme de ces yeux et de son nez ! Et regarde ses cheveux! C’est drôle, ça lui fait comme une couronne vaporeuse au-dessus de la tête ! «
4 commentaires
J’en suis tout ému.
Et ton récit est très beau !
Merci Pablo. Ta photo était trop belle, je voulais en faire quelque chose.
Très sympathique ce nouveau texte 🙂
Merci merci ☺️ 😉