Trouver l’amour ou la mort #2

Trouver l’amour ou la mort #2

« Nous ne reviendrons pas sur la façon dont vous avez fait disparaître le corps et vos traces dans la vie de Célia. Ce que nous souhaitons savoir à travers cette entretien, c’est comment vous êtes entre en contact avec vos victimes, comment vous en êtes venu à les supprimer, comment vous avez gagné leur confiance.

– J’ai déjà expliqué comment je m’y étais pris pour effacer toute trace de mon existence dans la vie de Célia, ça ne me dérange pas de ne pas revenir dessus. Même si je trouve que j’ai été génial dans cet exercice. Je comprends votre démarche et sachez que je suis motivé comme vous pour aider à ce qu’il n’y ait pas de nouvelle victime.

– Cela nous paraît surprenant, mais nous vous remercions de nous accorder cette interview sans filtre.

Après le meurtre de Célia, quel était votre état d’esprit ? Aviez-vous envie de reproduire la même histoire, de tuer à nouveau ?

– Non ! Pas du tout ! Je me sentais soulagé de ne plus avoir Célia comme fardeau et je pense lui avoir évité de trop souffrir. Je me sentais libre et disponible pour une autre histoire plus épanouissante. Je ne prévoyais pas du tout de recommencer. Mais j’avoue que cet acte transgressif m’a donné un appétit pour des sensations fortes, sans savoir lesquelles. Les quelques contacts sur les sites de rencontre qui se mettaient en place étaient fades, sans intérêt. J’avais l’impression d’une certaine répétition dans les profils, la façon d’aborder l’autre, dans les premiers échanges, les discours maintes fois répétés à l’écrit ou à l’oral. Je me sentais frustré, en colère après ces femmes si peu imaginatives qui ne me proposaient rien de très excitant. Alors un soir, après avoir échangé avec trois femmes sans que la moindre palpitation ne vienne chambouler mon rythme cardiaque, je coupé court aux échanges et ai supprimé mon profil de toutes les applications. J’ai ensuite re-créé mon profil en sélectionnant des options qui permettaient plus d’ouverture à d’autres profils, d’autres expérience. J’ai aussi souscrit à des sites proposant des expériences de type SM, échangiste etc.

– Avec le recul, pensez-vous que vous étiez dans le recherche de relations qui vous amèneraient au meurtre, même inconsciemment ?

– J’étais vraiment à la recherche d’autre chose, je me sentais fatigué, blasé des profils tels que celui de Célia. Je pense au contraire que je voulais éviter de reproduire cette situation et sa fin tragique.

Et c’est comme ça que j’ai rencontré Eric.

– Eric ? Mais, nous n’avons pas Eric dans la liste des victimes !

– Plaignez-vous , je vous offre un scoop.

– Mais… nous ne savions pas…que vous étiez bisexuel.

– Moi non plus. Et aujourd’hui, je peux dire que je suis cent pour cent hétérosexuel. Mais à ce moment de ma vie, tout m’excitait, même les hommes. Les nouveaux paramètres de mon compte me rendaient visible par beaucoup plus de profils et j’étais contacté de toutes parts par des personnes que je n’aurais jamais abordées. C’était déjà très excitant. J’ai joué le jeu à fond, prêt à tenter toutes les expériences. Malheureusement je n’avais pas les codes et les discussions étaient vite avortées. Sauf avec Éric. Il a vite compris comme les autres que je découvrais tout ça et ça l’excitait de me provoquer, de me pousser dans mes retranchements. J’ai beaucoup appris sur moi pendant cette période. Quand on s’est rencontrés, cela faisait des semaines qu’on se chauffait. C’était très intellectualisé, il refusait qu’on s’envoie des photos évocatrices ni qu’on s’échange des propos pornographiques. Je n’étais pas sûr d’éprouver de l’attirance et du désir pour cet homme une fois qu’il serait devant moi, que cela restait du domaine du fantasme. Et pourtant lorsqu’on s’est vus, la connexion sexuelle s’est établie d’emblée. On a pris un verre dans un bar animé, comme le veut la tradition des sites de rencontre. On a très vite changé d’endroit. Dans les relations entre hommes, il y a un rapport dominant- dominé qui se met en place naturellement. Pour la première fois de ma vie je me suis senti dominé. Au début c’était très bienveillant, une sorte d’éducation au sexe avec un homme. Puis la relation a vite basculé dans un trip SM. J’ai mal vécu cette période, même si je ne voulais pas d’une relation plan-plan. Je ne supportais pas de perdre pied, de perdre le contrôle, de dépendre de quelqu’un, d’être à sa merci. Je pensais que c’était une étape avant de passer à autre chose de plus intense encore mais Eric ne voulait pas en entendre parler. Notre relation a commencé à décliner. J’ai ensuite voulu échanger les rôles. C’était complètement inapproprié de ma part mais je ne supportais plus cette relation, ce que j’étais devenu. Ça a engendré des scènes hyper violentes mais j’y suis parvenu. Il fallait que je lui montre que j’étais le plus fort, que la position de dominant me revenait. Je devais être de plus en plus intransigeant, sévère, cruel parfois. Il me testait. Lorsqu’enfin il a accepté et reconnu ma supériorité, il complètement changé d’attitude et est devenu une carpette. Nos affrontements n’avaient plus lieu d’être et je n’y ai plus trouvé le moindre intérêt. Il est devenu hyper dépendant, demandeur, un vrai boulet. Il a menacé à plusieurs reprises de se suicider si je le quittais. Je lui ai évité les désastres d’un suicide raté.

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