Writober 19 – Étourdi, tête qui tourne

Writober 19 – Étourdi, tête qui tourne

Tourner, valser, tanguer, bossa-nover, … ils auraient pu continuer à danser encore des heures. Comme ils en avaient l’habitude quand ils s’étaient rencontrés. Un samedi par mois, ils s’offraient un dîner dansant dans une guinguette et s’en donnaient à cœur joie.
Et puis les enfants étaient arrivés, les leurs comme ceux de leurs amis. Ils avaient essayé de maintenir une sortie pour eux deux de temps en temps. Mais les dîners dansants n’avaient plus la même saveur, et ils ne tenaient plus le choc!

Les enfants ayant grandi et quitté le nid, ils en avaient profité pour voyager. Puis leur temps libre à vite été consacré aux petits enfants.

Pour leur anniversaire de mariage, les enfants leur avaient offert une journée tous ensemble sur les bords de Marne. La piste de danse de la guinguette avait été réaménagée, un groupe de musiciens avait été réservé et c’était reparti!

Au début, ils avaient un peu hésité. Tout ce monde qui les regardaient. Savaient-ils encore les pas, s’accorder mutuellement, en rythme? Leurs articulations allaient-elles suivre? À la demande de leur fils aîné, les musiciens se mirent à jouer le Petit bal perdu. À ce moment-là, plus d’hésitation possible, juste une envie de se laisser porter par cette musique qu’ils aiment tant. Leur complicité s’invita dans la danse et leur permit de retrouver leur coordination parfaite. La machine était relancée, ils enchaînèrent les danses, le sourire bien accroché, zygomatiques infatigables!

Maryse n’eut pas le temps de prévenir Alain que sa tête lui tournait. Elle chancela si fort qu’elle l’entraîna dans sa chute. Des cris alarmés puis le silence. Ils auraient pu entendre les cœurs cogner les poitrines de leurs enfants. Alain mit un genou à terre pour se relever et aider sa chère Maryse, mais le fou-rire les empêcha de se redresser dignement. Ils ne parvenaient pas à articuler les mots nécessaires pour s’assurer que l’autre ne s’était pas trop fait mal. Les enfants furent vite auprès d’eux, les uns riant avec eux, les autres les réprimandant de ne pas avoir été raisonnables et de ne pas avoir fait de pause. Il s n’avaient plus vingt ans! Ils se firent raccompagner à leur table. Chacun étant pris en charge, ils ne se quittaient pas des yeux, heureux d’avoir regoûté à leur passion d’antan, amusés de leur chute sans gravité et des petits soins que enfants et petits enfants leur prodiguaient maintenant. L’orchestre reprit et les plus jeunes reprient possession de la piste. Aucun n’avait eu le goût pour apprendre ne serait-ce que les rudiments de la valse. Se tenant par la main, Alain et Maryse s’amusaient des gesticulations des petits.

Au moment de repartir, la petite Lucie vint les retrouver, essoufflée, les joues roses pour s’adresser à sa grand-mère:

« Tu vois Mamie, ça ne sert à rien de tourner dans tous les sens à toute vitesse, ça donne le tournis et on tombe. Et en plus tu n’as même pas de jupe qui tourne! »

Ce texte s’inscrit dans une série qui s’alimentera au cours du mois d’octobre, en lien avec un détournement de Inktober. Le détournement est une idée de Kozlika : au lieu d’un dessin par jour, ce sera un texte inspiré par le mot du jour

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